vendredi 12 octobre 2012

Les OGMs alimentaires


En une ligne, les plants OGMs alimentaires sont soit des plantes avec un gène de résistance à un herbicide pour rendre le désherbage plus facile, soit des plantes qui possèdent un gène de production d’hormones insecticides, soit une combinaison des deux gènes.

Ce dernier mois, l’actualité sur les organismes génétiquement modifiés alimentaires est très riche et plutôt passionnée. Je souhaite tenter d’y voir plus clair.
  • En commençant par écarter d’un revers de la main les excès liés à l’actualité récente conduisant à exacerber les passions de parts et d’autres de l’échiquier.
  • Une fois cela fait, je veux poser trois problèmes fondamentaux de principe liés aux OGM alimentaires.
  • Enfin, avoir une approche moins théorique pour aller dans le concret et l’exemple : quels résultats pour les OGMs à ce jour ?

Commençons par traiter de l’actualité du moment (Septembre-Octobre 2012). L’étude récente menée par le Pr Gilles-Eric Séralini est vivement critiquée pour de nombreuses raisons. Je suis tout à fait d’accord sur les critiques notamment concernant le tapage médiatique et l’utilisation d’images choquantes de rats atteints de tumeurs – que je ne souhaite délibérément pas reproduire ici – qui poussent à un raccourci simpliste loin de la Science auquel je me suis moi-même laissé prendre. Ça c’est pour la forme. Pour le fond, il vaut la peine de reprendre les critiques fréquemment opposées au sujet de cette étude :
  • L’échantillon de 10 rats par lots est très faible. Certes c’est absolument vrai, mais absolument identique aux échantillons utilisés par les producteurs d’OGM. Ce mêmes tests qui n’utilisent que 10 rats par lots (parfois moins) conduisent à des conclusions d’innocuité et donc un feu vert pour la commercialisation. Alors pourquoi le un poids deux mesures ? Sur l’échantillon simplement, ridiculiser la taille de l’échantillon de la recherche de Séralini revient – si l’on est honnête - à ridiculiser de manière identique les autres recherches et donc à remettre en cause leurs résultats aussi.
  • La durée d’étude classique et absolument notoire utilisée pour les études conduites par les producteurs d’OGM est de 90 jours. La durée de l’étude de Séralini est 2 ans soit la vie entière des rats.
  • A première vue, les résultats - accélération nette de l’apparition des cancers versus le lot de contrôle[1] - devrait conduire à une approche sceptique et saine de vérification, mais surtout à un effort de reproduire cette étude afin d’en avoir le cœur net et de l’approfondir. C’est d’ailleurs ce à quoi l’ANSES[2] s’attèle en ce moment avec des résultats prévus fin octobre 2012. En revanche, l’EFSA  s’est empressée d’émettre un pré-avis négatif sur l’étude de Séralini or l’on sait combien les conflits d’intérêts[3],[4] sont notoires au sein cet organe européen.

En tentant la raison, développons trois points fondamentaux qui vont à l’encontre du projet OGM tel qu’il est à ce jour. Le premier concerne la complexité de tout système agricole qui n’est pas prise en compte par la technologie OGM. Le second concerne la logique « macrophage » qui rend les agriculteurs captifs sur le plan économique et sur le plan agricole. Le troisième traite de la mauvaise foi notoire de Monsanto, que l’on doit prendre en compte car c’est le principal acteur du monde OGM alimentaire avec 90% du marché, mauvaise foi qui n’est pas un gage de bonne garantie pour le futur des OGMs.

Sur le premier point donc, l’écologie repose sur une imbrication de systèmes fragiles, complexes et dynamiques dans lesquels chaque élément interagit avec chaque autre élément. L’équilibre instable de la nature est constamment déséquilibré, pour être constamment rééquilibré par des mécanismes naturels dont le principal est le celui de l’adaptation par sélection naturelle. (Ce n’est, pour écarter certaines critiques, pas une vue spécialement romantique ou belle de la Nature, car la manière dont les équilibres se rétablissent est souvent par l’éradication des individus ou éléments conduisant au déséquilibre.) Or l’idée des OGMs alimentaires repose sur un autre postulat plus simpliste qui ne considère pas l’environnement agricole comme un système mais plutôt en isolation. Sous ce postulat, les interactions extrêmement complexes et subtiles – qui incluent les adaptations propres aux plantes - sont ignorées pour plutôt se baser sur des principes simples et peu fins : un insecte néfaste ? Il faut le tuer via un insecticide unique. Une mauvaise herbe (appelée adventice) ? Utilisons un herbicide pour s’en débarrasser. Or les OGMs nous sont vendus comme la pointe de la pensée biotechnologique[5]. Nous verrons par la suite que ce n’est pas le résultat à court terme qui est contesté : les insectes et herbes ciblées sont bel et bien éliminés comme voulu : à court terme seulement… Ce point, le plus fondamental, nous amènera à examiner un phénomène implacable et simple à comprendre: l’émergence d’insectes résistants ou d’adventices résistants, conduisant à une « course aux armements » entre les géants de la chimie et ces super-plantes et super-insectes. En effet, à court-terme, les herbicides/insecticides fonctionnent remarquablement, mais après quelques années des plantes et insectes résistants apparaissent (s’adaptent) réduisant à néant le principe même des OGM en question. Remarquez que je ne mentionne pas l’ombre d’un cancer ou d’une allergie qui n’ont effectivement pas du tout été prouvées à ce jour[6], mais bien d’une chose plus fondamentale encore, ce même pour quoi les OGM sont faits : la lutte contre les insectes ravageurs et les adventices.

Autre point fondamental : la logique « macrophage » autant d’un point de vue économique qu’agronomique.

Economique puisque les producteurs d’OGM alimentaires déposent des brevets sur les plants OGMs, ce qui implique que les agriculteurs doivent acheter des licences pour les graines et ont l’interdiction formelle de re-semer d’une année à l’autre. Au lieu de re-semer comme cela est fait depuis des lustres, ils doivent dorénavant acheter les semences chaque année. D’autre part, l’adoption de plants OGM rend les agriculteurs captifs au géant qui détient le monopole : en effet, l’intérêt des semences OGM est leur gène de résistance au désherbant ; le maïs par exemple doit être acheté au chimiste, en plus du désherbant particulier auquel ce maïs résiste, fournit par le même chimiste. C’est une poule aux œufs d’or.
Logique macrophage agronomique, avec le problème de la dissémination. Il est naturel que les semences OGM sous licences se propagent dans les champs voisins au gré des vents. Si le champ voisin est un agriculteur conventionnel – non OGM – et qu’il reçoit de façon naturelle quelques semences OGM d’à côté, il est alors susceptible d’être pourchassé au titre de vol  d’un produit sous licence[7].
De plus, les variétés conventionnelles cultivées de nos jours ne proviennent elles pas déjà de centaines d’années de sélection artificielle menée par les agriculteurs qui ont tiré profit du mécanisme de l’évolution pour créer des variétés parfaites pour le lieu de plantation, pour ensuite partager les semences obtenues? Quel contraste avec un achat de licences utilisables qu’une année, achetées auprès d’un unique chimiste (qui détient 90% du marché OGM).

Dans les fondamentaux, le dernier point fondamental est de s’intéresser de près aux acteurs des OGM : sont-ils de confiance ? Monsanto produisant 90% des OGM, analyser les OGM revient à s’intéresser de près à Monsanto, en tout cas au moment où ce texte est écrit. Les individus comme les entreprises sont jugées aux actions qu’ils entreprennent. Certes les choses sont dynamiques et les gens changent. Cependant, lisez en diagonale cet article[8] paru dans Le Monde qui illustre le passif du géant. C’est édifiant non ? PCB, agent orange, dioxine, OGM, hormones de croissance, herbicides, tous ces scandales sanitaires ont une seule et même origine : Monsanto. Affirmation emblématique de l’esprit de la firme : « Ce n’est pas à Monsanto de garantir la sécurité des aliments transgéniques, a déclaré en octobre 1998 Phil Angell, le directeur de la communication de la multinationale. Notre intérêt, c’est d’en vendre le plus possible. Assurer leur sécurité, c’est le job de la FDA[9]». Très actuel et quelque peu ironique, car Obama a nommé en 2009 Michael Taylor à la tête de la FDA, le même Michael Taylor qui fut Vice-président des Affaires Publiques de Monsanto de 1998 à 2001[10].
Il ne faut surtout pas mélanger plusieurs sujets : le problème n’est pas dans la logique de recherche de gros profits de Monsanto. C’est naturel pour une entreprise. L’énorme problème est la recherche de profit « à tout prix ». Il est dans le manque de garde-fous et de régulation, permis grâce aux millions investis par le chimiste dans le lobbying et la propagande destinée au grand public. Les exemples sont innombrables mais celui de la FDA mentionné ci-dessus est déjà éloquent. Dans ce contexte l’ancrage dans le principe de précaution de l’UE et particulièrement de la France prend toute sa dimension.

Après ces propos plutôt théoriques concernant la complexité de l’écologie, la logique macrophage d’un point de vue économique (agriculteurs captifs de licences annuelles) et agronomique (monopole sur les semences OGM et herbicides), et le passé peu reluisant de Monsanto, il convient de vérifier quelles sont les promesses offertes par les OGMs et d’examiner si les promesses sont tenues dans les faits. Pour éviter l’écueil du préjugé, faisons abstraction des analyses précédentes : place aux résultats ! L’avantage principal des OGM réside dans leur résistance aux herbicides et/ou leur production de substances insecticides. Promesses tenues ?

Le phénomène de résistance est extrêmement puissant et rapide, que ce soit pour les adventices ou les insectes. Via l’adaptation par sélection naturelle, s’établit une course aux armements permanente entre espèces. Les espèces cibles s’arment contre leurs parasites, qui eux-mêmes s’arment de plus belle. C’est l’exemple classique de la co-évolution qui est à l’œuvre.

Côté insectes, plusieurs espèces deviennent résistantes aux pesticides produits par les OGMs. En 2011 la chrysomèle des racines du maïs devient résistante.[11] Le CNRS le confirme et indique que c’est loin d’être résolu par Monsanto (j’extrapole, mais lisez la conclusion[12] de leur article c’est bien çela que ça veut dire). Le phénomène est bien connu de Monsanto[13]. Leur idée de créer des OGM toujours plus complexes pour combattre ces « super-insectes » est très peu clairvoyante car la même chose aura lieu avec des « super-super-insectes ». A moins qu’il ne s’agisse là d’une infinie vache à lait pour le chimiste?

Côté mauvaises herbes, les adventices deviennent résistants au désherbant[14]. C’est un phénomène graduel notoire. Par exemple, Le Figaro titre au 25 mai 2012 « Les OGM ont perdu la guerre contre les mauvaises herbes[15]» et l’on peut y lire que aux E.-U.d’A., 4 espèces sauvages d’adventices sont déjà résistantes à des doses de désherbant quatre fois supérieures à la dose régulière, et 380 sont résistantes à une dose moindre. C’est pourquoi les champs OGM induisent à moyen-terme une augmentation nette et documentée de l’utilisation d’herbicide nécessaire. Une aubaine pour la firme américaine mais une calamité pour l’environnement. Un rapport récent[16] montre que les champs OGM résistants aux herbicides ont d’abord (1996-1998) permis une diminution annuelle de 1.2%, 2.3%, et 2.3% de l’épandage d’herbicides ce qui dénote une efficacité initiale. Ensuite les champs ont eu besoin d’une forte augmentation de 20% en 2007 et de 27% en 2008 traduisant l’échec à moyen-terme. De manière plus globale il apparaît que le taux de glyphosate épandu par acre a nettement augmenté que ce soit pour le maïs, coton ou soja. Un autre source corrobore : «Les OGM ont fait exploser la consommation de glyphosate: elle est passée dans les champs de maïs de 1,8 million de tonnes en 2000 à 30 millions de tonnes en 2012.[17]»

Promesses non tenues donc. L’introduction des OGMs, présentée au grand public comme nécessaire et inéluctable, est hors-sujet et à contre-courant des problématiques à moyen terme de la société agricole. Par exemple, en examinant point par point chacun des objectifs de la nouvelle Politique Agricole Commune [18] - qui ne peut être qualifiée de particulièrement écolo - la balance penche clairement en défaveur des OGMs. Non par idéologie mais par simple examen des faits. Sécurité alimentaire ? La position de l’Europe et de la France est celle d’un moratoire justement pour raison de sécurité alimentaire. Gestion durable ? Le phénomène de résistance des insectes et adventices indissociable de celui de l’augmentation graduelle mais certaine de l’utilisation des herbicides ne répond clairement pas à une logique durable ni écologique.

Sur une note positive, mentionnons le plan Ecophyto 2018[19] auquel la France adhère, qui a pour objectif une réduction de 50% de l’utilisation des pesticides à atteindre en 2018. L’INRA a fait des études pour examiner les meilleures stratégies pour atteindre cet objectif[20] ? Les conclusions sont très encourageantes et recentrent l’agriculture en tant que métier complexe au cœur de la solution durable, et montrent que des solutions adéquates existent et son possibles.




[1] Une amie PhD a revu l’étude en détail et a elle aussi – comme nombreux autres commentateurs - conclut à un article de recherche de qualité moyenne voire de piètre qualité selon elle. C’est également elle qui m’a permis de déchiffrer les résultats et ainsi d’écrire qu’il s’agit d’une accélération nette de l’apparition des cancers. Notez qu’affirmer qu’un prise d’OGM induit une accélération de l’apparition des cancers est différent d’affirmer qu’une prise d’OGM cause une apparition de cancer. Son intérprétation est que certains potentiels inhibiteurs du cancer ne sont pas exprimés et donc permettent au cancer (voués à apparaître notamment dans cette souche de rats) de se développer plus rapidement.
[5] Certes, la production d’OGM elle-même est assez complexe, mais l’utilisation finale est absolument basique.
[6] Je suis absolument favorable à ce que des recherches long terme de type Séralini et al soient menées, mais je suis aussi d’accord sur le fait qu’à ce jour rien n’est prouvé (ni allergies ni cancers).
[7] Sur le site du géant de la chimie ils expliquent cela selon leur propres termes[7] en parlant de « voleurs » et en minimisant le nombre de cas, quand Wikipedia montre des chiffres[7] plus élevés. Bien entendu nombre de ces procès sont liés à des agriculteurs qui ont tentés de re-semer d’une année sur l’autre, ce qui est un vol de licence si l’on accepte le principe de la licence.
[9] The New York Times, 25 octobre 1998.
[10] Cela fait pas mal de bruit avec une pétition qui va atteindre les 75,000 signatures pour obtenir la démission de Mike. http://www.washingtonpost.com/blogs/blogpost/post/monsanto-petition-tells-obama-cease-fda-ties-to-monsanto/2012/01/30/gIQAA9dZcQ_blog.html

[11] à la souche bt Cry3Bb1 [5],[6

mardi 15 mai 2012

Une plante bien animale...

Une plante qui repousse ses ennemis, qui fait appel aux ennemis de ses propres prédateurs pour s’en débarrasser ou qui espionne les autres plantes?! Certainement de la science-fiction. Ou plutôt un truc d’illuminé amoureux des plantes, de tree-hugger en quelque sorte… C’est sans compter sur les récentes découvertes notamment autour de Nicotiana attenuata, le tabac sauvage.
Me défendre…
Le tabac sauvage est constamment attaqué par des insectes dont par exemple la chenille sphinx du tabac (ci-dessous) qui se nourrit goulûment du plant.

 …cafter aux plus grands…
Mais ça devient plus vicieux que ça : pourquoi ne pas faire appel aux ennemis de mes ennemis ? C’est exactement ce qui se passe : 3 molécules émises lorsqu’un plant de tabac sauvage est « blessé » attirent justement l’ennemi juré du sphinx, l’infâme Geocoris Pallens ci-dessous sous son meilleur jour.
.

… espionner les copains…
L'hypothèse est: si certains plants sont attaqués, d'autres plants sains peuvent le savoir et donc se protéger de façon adéquate. L'expérience: Les plants de tabacs sauvages plantés sous le vent d’autres plants préalablement attaqués sont moins vulnérables que des plants de tabac plantés sous le vent d’autres plants non attaqués. Ceci laisse à penser que les plants espionnent (par molécules interposées) ce qui se passe chez les autres et ajustent de façon adéquate leur défense[1] pour être sur le pied de guerre.
…et choisir ma tenue de soirée !
Enfin, le tabac sauvage sait s’habiller selon les circonstances… Le tabac – comme beaucoup de plantes - dépend de pollinisateurs qui l’aident à se reproduire et en échange le tabac tolère que les pollinisateurs pondent des larves en lui - c'est le prix à payer. Ce n’est pas mortel et donc toléré par le plant. Parfois cependant ces pollinisateurs - nocturnes dans le cas du tabac sauvage - deviennent dangereux de par leur nombre, car alors trop de larves sont pondues ce qui devient trop menaçant. Notez que ces pollinisateurs en particulier– les sphinx des tomates (ci-dessous) sont nocturnes or le tabac fleurit justement...la nuit, et ce n'est pas un hasard.

Lorsque la menace est trop grande donc, le tabac décide tout bonnement de changer de pollinisateur pour se débarrasser du sphinx. Haro sur le sphinx des tomates nocturnes, place aux inoffensifs et diurnes colibris ! La méthode est simple : au lieu de fleurir la nuit pour attirer les sphinx des tomates, le tabac sauvage fleurit alors le jour[2] et en ouvrant moins sa fleur. Ainsi, le tabac "s’habille" spécifiquement pour séduire un pollinisateur en particulier : le colibri qui lui seul grâce à son long bec peut accéder à cette fleur presque fermée.

Lui au moins a le bon goût de polliniser le plant de tabac sans le dévorer ni y pondre des larves. Au diable le sphinx des tomates qui peut lui aussi aller se rhabiller !

Et alors?
Ces comportements sont à mon sens fascinants, extraordinaires tout en découlant du mécanisme simplissime de l'évolution. Les comprendre me rend encore plus admiratif devant cette nature qui semble raisonnablement magique.


[1] Mais ce n’est là qu’une constatation et la recherche n’est pas assez poussée pour le moment pour être catégorique.
[2] Ce changement s’opère en moins de 3 jours, plutôt rapide comme temps de réaction pour une plante non ?

Références
Passage du sphinx des tomates au colibri. Max Planck Institute for Chemical Ecology (2010, January 21). Tobacco plant thwarts caterpillar onslaught by opening flowers in the morning. ScienceDaily. Retrieved April 4, 2012, from http://www.sciencedaily.com­ /releases/2010/01/100121135659.htm
Le tabac sauvage et ses mécanismes. Plants have more than thorns and thistles to protect themselves—they can cry for help, by Sharman Apt Russell, From the April 2002 issue; published online April 1, 2002, Discover Magazine, http://discovermagazine.com/2002/apr/featplants
Documentaire “Smarty Plants” qui a inspiré cet article. http://www.cbc.ca/natureofthings/episode/smarty-plants-uncovering-the-secret-world-of-plant-behaviour.html#

mardi 3 avril 2012

Avoir une longue queue, c'est sexuel - suite

En guise de suivi à mon article passé "Avoir une longue queue, c'est sexuel", voici un documentaire passionnant qui traite du même sujet, mais de manière bien plus didactique et claire. En anglais par contre...

mardi 13 décembre 2011

L'homosexualité, c'est (un peu) génétique

Être gay-friendly, c’est très en vogue. Mais voilà, parfois je ressens de l’inconfort à ce sujet… Sans doute lié à une incompréhension de l’homosexualité, une sorte de flou, de gêne en un mot. Récemment au fil de lectures cet inconfort s'est dissipé pour laisser place à une meilleure compréhension et ici je tente de partager ces faits éclairants.

Alors pêle-mêle et à l’apparence décousue, je (dé-)livre ici quelques idées en vrac - à l’image de mon blog – étayées par des faits qui ont participé à une meilleure compréhension de l’homosexualité. Je n’hésite pas à commencer par affirmer que l’homosexualité a une origine génétique. Je poursuis ensuite en me penchant sur le futur de l’homosexualité : est-il voué à disparaître ?

L'origine génétique de l'homosexualité.

L’orientation sexuelle est complexe, et le spectre est large. De l’hétérosexualité à l’homosexualité en passant par les bi- , tri- et quadras… Euh excusez, je m’égare. Il s’agit d’identifier- sans pour autant ignorer cette complexité - l’origine génétique de l’homosexualité que j’illustre ici avec deux expériences simples mais cependant assez convaincantes.

Expérience numéro 1. L’homosexualité c’est (un peu) génétique. Prenez deux frères, dont un gay. Si les frères sont non-jumeaux, la probabilité pour que l’autre frère soit gay est de 25%. Mais s’ils sont jumeaux, la probabilité passe à 50%[1] ! Conclusion évidente : non, l’éducation et l’environnement seuls ne peuvent pas justifier ces chiffres et justifier le fait qu’une personne soit gay. Oui, en filigrane s’esquisse une influence génétique car les jumeaux partagent un bagage génétique bien plus similaire que les non-jumeaux. Dans la même veine, une autre étude montre que les hommes gays ont plus de parents gays dans leur arbre généalogique que n’en ont les hommes non-gays. Ca sent l’influence génétique à plein nez ça !

Expérience numéro 2. Chassez le naturel, l’inné : il revient au galop. Des garçons nés avec d’importantes déformations génitales ont dû être opérés à la naissance. Pour s’assurer de leur survie il se trouve que leur sexe fut transformé en vagin pour des raisons chirurgicales complexes. Ces garçons ont donc ensuite été éduqués en tant que filles. Or adultes maintenant, ils sont – contrairement à ce que les parents pensaient - tous attirés par les femmes[2]. Si l’influence éducative était si importante (je n’affirme pas qu’elle est inexistante), au moins un de ces garçons – puisque élevé en tant que fille - aurait dû être attiré par les hommes …

Mais attention : au large le déterminisme aveugle ! Il est clair que la composante génétique n’existe pas sans l’environnement. Mais il est tout autant clair qu’un certain bagage génétique favorisera l’expression de telle ou telle tendance, étant données des expériences de vies individuelles.

Evolution ou disparition?

En génétique, la sacrée évolution pointe son toujours son nez. Alors, en admettant une influence génétique au fait d’être gay, abordons les problématiques liées à l’évolution. Puisque les gays n’ont (en général) pas d’enfants, comment les gènes gays ont-ils pu malgré tout être transmis à travers les générations? Comment n’ont-ils pas doucement disparus par le mécanisme de la sélection naturelle ? En effet on pourrait affirmer que « Étant gay je n’ai pas d’enfant, donc je ne passe pas mes gènes à la génération suivante. » Ce raisonnement est infirmé par deux observations.

La première observation est que la réalité est autre : les gays ont toujours eu des enfants car les sociétés ont constamment été, souvent de façon virulente, anti-gay. La société a ainsi forcé les gays à avoir des enfants dans le cadre d’une union hétérosexuelle.

La seconde très sérieuse observation est d’ordre scientifique et est liée à la fécondité des femmes : le « gène gay » lorsque porté par une femme semble accroitre sa fécondité. Voyez plutôt : 100 hommes hétéros et 100 hommes gays ont été interrogés au sujet de leur famille - soit 4.600 membres en tout. Il ressort que les mères d’enfants gays ont en moyenne 2,7 enfants contre 2,3 pour les mères d’enfants non-gays. Et pour les tantes maternelles, 2,0 enfants en moyenne contre 1,5[3]. En un mot les familles dont un membre est gay sont plus fertiles ! Autrement dit, le bagage génétique « gay » étant propagé au sein d’une famille, cette famille est plus fertile qu’une famille non gay. L’on peut ainsi esquisser que le gène gay déclenche une fertilité plus élevée.

Mais éloignons-nous de ces considérations un peu trop chiffrées pour revenir aux faits de sociétés. On pourrait s’interroger sur les conséquences d’une acceptation – souhaitable à mon sens - du mariage gay par nos sociétés modernisées : évaporée la pression à se marier pour sauver les apparences et donc… disparue la descendance ! Paradoxalement, l’acceptation du fait gay par nos sociétés semble ainsi conduire à une disparition de celui-ci ?! Cette affirmation est culottée mais pourtant en ligne avec les éléments évoqués plus haut…

Ce sujet est tout autant polémique que vaste. Il est donc grand temps de conclure. Bref rappel à l’éventuel lecteur dont les cheveux s’hérissent face à l’argumentation génétique: il ne s’agit bien évidemment pas de fournir une lecture purement génétique de l'orientation sexuelle qui est bien plus complexe et dont l’origine n’est évidemment pas uniquement génétique. Il s’agit plutôt de prouver qu’il y a un sérieux faisceau d’éléments pointant vers une origine génétique de l’homosexualité. Ce qui est au final très beau et très simple[4]. Fini le discours culpabilisant autour d’une enfance mouvementée. Balayé l’argument « c’est pas naturel ». Balayée aussi ma propre gène euh… pardon… ma propre gêne !Lien



[1]
a. Article sur les jumeaux gays de Michael Bailey, de Northwestern University.
b. Article de Simon Le Vay, voir § "Twin Studies"
c. Revue du livre de Simon Le Vay "Gay, Straight and the Reason Why".

[3] Camperio-Ciani, A., et al. (2004). Evidence for maternally-inherited factors favouring male homosexuality and promoting female fecundity. Proceedoings of the Royal Society of London, B 271, 2217-2224. Article ici.

[4] Bel article présentant les faits tout en transmettant un humanisme radieux.